A l’Electricité de Guinée, à combien peut-on chiffrer, les pertes cumulées depuis ces vingt dernières années ? A combien s’élève le taux de fraude ? Des millions de dollars et d’Euros. Il est établi que par année, le gouvernement perd des centaines de milliards de francs guinéens. Comme nous apprend un responsable du ministère de l’Energie.
« S’il y a autant de pertes d’argent, c’est qu’il y a autant de fraudes sur l’électricité. La fraude est devenue un fonds de commerce pour certaines personnes qui sont organisées pour percevoir de l’argent dans les quartiers moyennant une alimentation frauduleuse. Des réseaux mafieux sont constitués dans ces quartiers et menacent les personnes qui veulent avoir un abonnement normal à l’EDG », explique le cadre du ministère avant de continuer. «Ces réseaux raccordent les usagers aux réseaux sans poser de compteurs et encaissent chaque fin de mois de l’argent en fonction du quartier et des équipements». Le taux de fraude à Conakry, selon notre interlocuteur, serait de l’ordre de « 60% à 80% avec une part importante pour les branchements directs avec ou sans compteur; les récupérations de neutre ; les manipulations de compteurs ».
Allons-y pour quelques révélations des agents de l’EDG où de nombreux cas de dépannages seraient provoqués par la fraude exercée sur le réseau de distribution.
Selon des agents de l’EDG interrogés lors de notre enquête, la fraude s’est sophistiquée avec les poses d’appareil de contournement du compteur dans les installations intérieures des maisons dans les quartiers. L’identification de ce type de fraude ne peut se faire que si l’EDG, « avec ingéniosité, des branchements souterrains pour alimenter les équipements à forte consommation d’électricité sont réalisés ; des immeubles entiers sont en direct sur le réseau et les gérants proposent généralement aux locataires un prix de location intégrant la consommation d’électricité », nous apprend un agent coordonnateur. « En survolant la capitale, on s’aperçoit que des cours communes des bidonvilles comme Gbessia, Dabondi, Bonfi, Matam, sont raccordées en direct sur le réseau et l’électricité est vendue par le propriétaire aux locataires. Dans ces quartiers, on y trouve parfois des ateliers de confection en branchement direct; des locaux de fabrication de glace avec des dizaines de congélateurs raccordés en direct sur le réseau sans compteur. L’illustration éloquente de la fraude à grande échelle reste tout le quartier de Kaloum, centre des affaires. Il est alimenté à du courant anarchique, c’est le chaos », raconte un agent de zone.
Comme quoi, un peu partout dans les vieux quartiers précaires de la capitale, les ménages sont servis en plénitude au courant parallèle. Aux dires de nos interlocuteurs, à Dabondy ou les sous quartiers Makyatouré et SEREM, jouxtant les quartiers Concasseur et Hafia, c’est l’inondation aux branchements anarchiques. Dubreka et Coyah, bientôt confondues à Conakry ou encore, Kindia, Boffa n’échappent pas à cette envolée de vol d’électricité. «La fraude touche tous les quartiers, toutes les couches sociales de la société, autant les domiciles que les locaux professionnels », précisent l’un des chefs d’agence d’EDG interrogés lors de notre passage dans les locaux de la direction.
Et pourtant, ajoute-t-il « la société met tout en œuvre pour servir le consommateur : les campagnes d’information sur ses produits et services entre autres, les tarifs sociaux, le programme électricité pour tous, comment éviter les risques électriques; le service prépayé qui est un mode de rechargement et l’utilisation de l’énergie électrique…»
Une allégorie ! Elle représente la gestion de l’électricité en Guinée : Un propriétaire, un taxi et un conducteur. Le propriétaire confie son taxi à un conducteur qui devra verser une certaine recette au propriétaire. L’entretien du taxi (les gros travaux) et la fixation des recettes à verser sont du ressort du propriétaire. Le chauffeur se charge des petits travaux (huile de moteur, eau, crevaison de roues etc.), mais devra veiller que chaque client paie pour la recette à verser au propriétaire.
Si l’un comme l’autre ne joue pas son rôle, le taxi qui doit rapporter la recette se portera mal. Ici, le propriétaire, c’est l’Etat qui confie son taxi, qui est l’électricité à l’EDG qui est le chauffeur en fixant les différents coûts. l’EDG qui doit verser une recette au propriétaire, l’Etat s’occupe de servir le client. Le client, c’est le consommateur, qui doit être satisfait du service du chauffeur et aussi du confort du taxi. Donc, le propriétaire et le chauffeur sont tous deux liés pour le bon état du taxi (électricité) pour se tirer à bon compte avec le consommateur (le client). Si le propriétaire ne s’occupe pas du taxi, il sera difficile au chauffeur de faire des recettes. Si les clients ne paient pas les places occupées, alors, il y a d’énormes pertes. Le propriétaire comme le chauffeur devront payer le lourd tribut en dommage. L’EDG paye cher aujourd’hui nos comportements vis-à-vis de la consommation d’électricité.
….L’impact de ces actes frauduleux sur l’électricité ?
Approchés, les techniciens de l’EDG nous apprennent que ces actes frauduleux sur l’électricité dans les quartiers provoquent, la surcharge des réseaux de distribution, des avaries de matériel avec des câbles qui brûlent, des transformateurs qui explosent, des fusibles qui fondent, la mauvaise qualité de la tension et de la fourniture avec des pannes à répétition. Ce qui évidemment se traduit par des accidents et incendies dans les domiciles et même dans certains services.