Dire que le système éducatif guinéen est malade est loin d’être une nouvelle pour les élèves et parents d’élève du pays. Car depuis plus d’une décennie maintenant l’enseignement connait d’énormes agitations rythmées par des grèves à répétition. Entre boycotte des cours accentuant le faible niveau des élèves, d’une part, le manque criard d’infrastructures et d’enseignants dans les zones rurales, d’autre part, le système éducatif guinéen ne cesse de dégringoler d’année en année.
En tout cas, les récentes crises qui ont marqué ce secteur aussi stratégique pour le développement de la guinée ont mis à nu la dépravation de ce système.
Le constat sur le terrain est alarmant. Et pourtant, l’éducation a toujours fait l’objet de beaux discours durant les différents gouvernements qui se sont succédé jusque-là. « Ouvrir une école c’est fermer une prison » disait l’autre. C’est dire combien de fois l’éducation doit être une priorité puisque l’émancipation de la nation en dépend.
Le vice doyen chargé des études de la faculté des lettres et sciences de langage de l’Université Général Lansana CONTE de sonfonia a accordé une interview exclusive à la rédaction de News Quotidien pour donner son point de vue par rapport à cette situation.
News Quotidien Dr Mamadou Yaya SOW quelle lecture faites-vous sur le système éducatif guinéen dans sa globalité ?
Dr Mamadou Yaya SOW : dans sa globalité le système éducatif rencontre assez de difficultés. Parmi elles nous avons les difficultés liées à l’infrastructure. Le ministre de l’enseignement pré-universitaire lui-même a effectué une tournée à l’intérieur et dans certains établissements de la capitale. Et il a dû constater lui-même que du point de vue équipements la situation laisse à désirer. A ce problème d’infrastructure il faut ajouter celui lié à l’encadrement c’est-à-dire aux enseignants. Il faut savoir qu’aujourd’hui avec le boom démographique il y a beaucoup d’élèves et donc beaucoup de besoin en formation mais il n’y a pas le nombre d’enseignants requis pour faire face à ces problèmes-là. Il n’y a qu’ici à Conakry où les élèves peuvent aller à l’école et trouver des enseignants parce que tout se concentre là. Ce qui est tout fait le contraire dans les zones isolées où il y a de sérieux problèmes d’enseignants. Vous trouverez même des écoles où il n’y a qu’un seul enseignant. Vous pouvez avoir un collège où le professeur de mathématique dispense en même temps les cours de physique, chimie…ou des professeurs qui quittent une ville pour aller enseigner dans une autre. Même si certaines collectivités locales tentent parfois de résoudre ce problème d’enseignant en appelant dans les villes des contractuels. On en a vu avec la préfecture de Lelouma où des jeunes sont recrutés à Labé pour venir pallier ce vide. C’est le cas de certains de nos anciens étudiants qui enseignent à l’université de Labé qui allaient souvent donner des cours à Lelouma. Et au-delà de tous ces problèmes vient s’ajouter le manque de niveaux des formateurs. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de la quantité mais y a la qualité qui importe le plus.
News Quotidien aujourd’hui tout le monde est d’accord que le système est malade. Alors monsieur, selon vous qu’est-ce-qui expliquerait cette triste réalité.
Dr Mamadou Yaya SOW : ce qui explique ce phénomène ce que nous n’avons pas su à temps faire face aux défis qui se sont posés à nous. C’est-à-dire que un pays ça évolue et dans notre pays nous avons une natalité très forte. Ça veut dire forcement que nous avons besoin de former ces enfants qui naissent et qui sont très nombreux maintenant. Cela veut dire qu’il faut construire beaucoup d’écoles car le nombre d’écoles dont on avait besoin en 1958 pour éduquer nos enfants ce n’est pas le même nombre dont on a besoin en 2022. Il faut savoir que chaque année nos besoins en éducation et en formation double ou voire triple. La seule solution c’est de prévoir c’est-à-dire former les enseignants en y mettant de la qualité, construire des infrastructures capables d’abriter ces gens-là. Vous avez vu les problèmes de surpeuplement dans les universités aujourd’hui. Par exemple l’université de sonfonia est obligée d’utiliser une antenne à Kipé parce que nous sommes confrontés à un déficit de salles de classes, car à un moment donné y avait une pléthore. Et c’est durant l’année universitaire 2020-2021 qu’il a été décidé que le département de lettre moderne et de sciences de langage vont envoyer quelques-uns de leurs étudiants dans l’ancien local qu’utilisait l’école supérieur du tourisme. Parce que ça ne contenait plus ici.
News Quotidien et l’autre problématique docteur c’est l’inadéquation des formations données par rapport au marché d’emploi. Ne pensez-vous pas qu’il faille revoir certaines filières ?
Dr Mamadou Yaya SOW : il est vrai qu’à un certain niveau il y a cette inadéquation. Le constat a été fait ici à l’université de sonfonia nous avons rencontré une délégation de la banque mondiale quand on voulait mettre en place les BOCEJ (booster les compétences pour l’employabilité des jeunes). Ils ont dit que la plupart de nos programmes ne sont pas adaptés, il faut mettre en place des formations professionnalisantes mais il ne faut pas aussi dramatiser. Nous entendons souvent que les options sciences sociales ne sont pas importantes moi je dirais plutôt que toutes les options le sont. Il est vrai qu’il y a des programmes où il faut corriger cette inadéquation mais quelque fois il faut que les gens sachent que le problème n’est pas que l’école il y a aussi l’emploi. Aujourd’hui par exemple vous prenez un programme comme banque finance on ne peut pas dire que celui-ci n’est pas en adéquation avec l’emploi. Mais s’il n’y a pas assez de débouchés il faut voire les problèmes auxquels sont confrontés tous les pays aujourd’hui. Chaque année les universités déversent des milliers de diplômés que le marché ne peut pas absorber il faut que certains aille vers l’entrepreneuriat.
Entretien réalisé par Mamadou Hassimiou DIALLO pour News Quotidien